Jean-Louis Borloo : « Il faut une équipe de redressement national »
Le président de l’Union des démocrates et indépendants (UDI) n’est pas candidat à
Matignon. Mais il a des idées à soumettre au président.
Soucieux d’incarner une opposition « constructive », l’ex-ministre sarkozyste ne ménage pas
ses efforts afin de promouvoir son programme de « redressement national », pour lequel il
appelle le gouvernement et l’UMP au consensus républicain.
Pour 44 % des Français, vous feriez un « bon ministre » de François Hollande. Seriezvous
prêt à intégrer un gouvernement de gauche ?
Jean-Louis-Borloo. Non. Je ne suis pas favorable à un gouvernement d’union nationale. Il y
a une majorité et une opposition ; je suis dans l’opposition.
Mais votre sondage m’interpelle, car il marque un tournant dans la perception de la crise par
les Français : ils ont compris que la France est en récession, que ce n’est pas une crise de
l’instant.
C’est pourquoi ils plébiscitent des gens qui mettent les mains dans le cambouis, qui font
preuve d’humilité et dont l’objectif est l’action concrète.
Pour preuve, ils en appellent à Louis Gallois, un industriel de terrain, dont ils savent qu’il fait
marcher les trains et tourner les avions.
Ils ne réfléchissent pas en termes d’affinités politiques ou personnelles, ils n’ont pas la
tentation des extrêmes. Ce qu’ils veulent, c’est une équipe de redressement national.
François Hollande doit-il donc mener une politique d’union nationale ?
Quand vous vous êtes trompé de vision ou que vous avez été obligé, pour gagner l’élection
présidentielle, de bâtir votre campagne sur un schéma de pensée erroné, il faut accepter de
tout remettre à plat.
Les Français veulent un plan de redressement efficace, concret et immédiat. Il y a une
dizaine de sujets sur lesquels nous sommes tous d’accord, alors allons-y !
L’allégement des charges de 6 % pour les entreprises, la baisse de la TVA à 5,5 % dans le
bâtiment, le forfait favorisant les services à la personne, faisons-les tout de suite. Laissons
de côté les postures et travaillons ensemble.
Est-ce le discours que vous avez tenu à Jean-Marc Ayrault quand vous l’avez vu le 14
mai à Matignon ?
Oui. Nous avons détaillé mes propositions ligne par ligne et en avons discuté ensemble
pendant plus d’une heure. Je lui ai expliqué l’importance des services à la personne que son
gouvernement a freinés. Mais j’imagine qu’il n’a pas eu besoin de moi pour comprendre qu’il
fallait revenir à la défiscalisation des heures sup ou, du moins, lâcher un peu de lest.
François Hollande a promis d’inverser la courbe du chômage d’ici à la fin de l’année.
Croyez-vous qu’il puisse y arriver ?
Le 9 septembre prochain, soit un an jour pour jour après avoir formulé cette promesse,
François Hollande aura rendez-vous avec la nation.
Je crois que, ce jour-là, se posera la question d’une dissolution de l’Assemblée nationale et
celle de la formation d’une nouvelle équipe gouvernementale, composée de techniciens et
d’hommes de terrain.
Pour ma part, j’organiserai un dîner autour d’économistes et de prévisionnistes pour célébrer
25
cet anniversaire. Et j’y inviterai le chef de l’Etat.
Mais François Hollande a-t-il les moyens d’agir sur le chômage de masse quand la
France et l’Europe sont en récession ?
En 2005, Jacques Chirac (alors président de la République, NDLR) était dans la même
situation. Il venait de perdre les élections européennes et de décider que la priorité de son
gouvernement, c’était l’emploi.
Il m’a alors appelé et m’a dit : « Jean-Louis, est ce que tu crois qu’on peut vraiment baisser
le chômage aujourd’hui ? » Je lui ai demandé quinze jours de réflexion, j’ai pris mon cahier
de brouillon et imaginé ce qu’il fallait faire pour inverser le chômage alors que la croissance
stagnait.
C’est ainsi qu’est né le plan de cohésion sociale. En dix-huit mois, le chômage est passé de
10,2% à 7,7%.
Si vous deviez former un gouvernement technique, qui prendriez-vous ?
Je ne veux pas jouer au chef du gouvernement, mais, à chaque poste, je choisirais une
personne spécialisée dans le domaine le plus sensible ou le plus touché par la crise. Pour
l’Education nationale, par exemple, je prendrais un expert des tout-petits, parce que c’est là
que tout se joue.
En cette période de crise et de récession, il faut aller chercher les compétences là où elles
sont et faire appel à des personnalités comme Thierry Breton (ex-PDG de Thomson et de
France Telecom et ex-ministre de l’Economie, entre 2005 et 2007, NDLR), à des maires ou à
des élus locaux, qui sont confrontés à la complexité des choses, comme Gérard Collomb, le
maire de Lyon (PS), ou Philippe Richert, président du conseil régional d’Alsace (UMP).
Quelle mesure prendriez-vous en priorité ?
Il faudrait redonner confiance aux Français en leur signifiant qu’il n’y aura pas
d’augmentation des prélèvements obligatoires jusqu’en 2017 et en revenant à la
défiscalisation des heures supplémentaires.
Il faudrait aussi envisager un geste social fort et effacer les dettes du million de familles
prises dans la spirale du surendettement et qui sont de bonne foi. Car il faut aider les
Français à respirer.